J.O. 302 du 31 décembre 2003
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Avis 2003-AC-4 du 11 décembre 2003 de la Commission des participations et des transferts relatif au transfert au secteur privé par la SNCF de Télécom Développement
NOR : ECOT0351210V
La commission émet l'avis suivant :
I. - Par lettre en date du 2 octobre 2003, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission, en application de l'article 20 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée, en vue d'autoriser le transfert au secteur privé de Télécom Développement, filiale à 50,01 % de la SNCF.
Télécom Développement emploie environ 750 personnes et a réalisé en 2002 un chiffre d'affaires de 1 054 millions d'euros. La cession projetée entre donc dans le champ d'application du dernier alinéa de l'article 20 de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée. Conformément aux dispositions dudit article , l'autorisation de cession ne peut être accordée si le prix de cession est inférieur à la valeur fixée par la commission ou si les intérêts nationaux ne sont pas préservés. Il doit être également tenu compte de l'incidence des charges qui, le cas échéant, demeurent pour le secteur public après la cession.
II. - La société Télécom Développement a été créée par la SNCF en octobre 1996 pour filialiser l'usage de son réseau interne de télécommunications dans la perspective des investissements importants à réaliser et de l'attrait représenté par un vaste réseau dans le contexte de la libéralisation du secteur. La SNCF a apporté à la société pour une durée de 30 ans le droit d'usage de la capacité excédentaire de son réseau de fibres optiques ainsi que le droit de développer en toute propriété des installations nouvelles sur le domaine public ferroviaire. Les modalités juridiques de ces conventions ont été ultérieurement précisées avec la création de Réseau ferré de France par la loi du 13 juillet 1997 susvisée.
Dès l'origine, la SNCF avait retenu l'idée d'un partenariat avec un opérateur téléphonique tiers en vue d'ouvrir le réseau au public. A la suite d'un appel à candidature, l'offre du groupe Cegetel a été retenue en avril 1997. Aux termes de l'accord, Télécom Développement et Cegetel (téléphonie fixe avec le préfixe « 7 ») ont conclu des engagements réciproques d'exclusivité pour l'acheminement des communications longue distance en France, avec une rémunération fondée sur le principe du partage des marges. Télécom Développement est de plus le fournisseur préférentiel de SFR (téléphonie mobile) aux conditions de marché. Cegetel Groupe est entré à hauteur de 49,99 % dans le capital de Télécom Développement tandis que ce dernier détient 20 % de Cegetel.
Télécom Développement a considérablement développé son réseau au cours des six dernières années, passant d'une longueur totale de 8 000 kilomètres à plus de 20 000 kilomètres et multipliant les raccordements aux commutateurs d'abonnés de France Télécom, en vue d'améliorer le coût et la qualité du service à sa clientèle. Télécom Développement est ainsi le premier opérateur alternatif en France de réseau de téléphonie fixe.
Après avoir connu une très forte croissance, supérieure à 50 % par an, en 2000 et 2001, le chiffre d'affaires s'est stabilisé depuis lors, notamment en raison de la forte pression concurrentielle. Il est réalisé avec Cegetel et SFR pour 71 %. En 2002, Télécom Développement a réalisé un résultat d'exploitation de 25 millions d'euros et un résultat net de 15 millions. La société a atteint un excédent brut d'exploitation positif dès 1999 et un bénéfice net dès 2000. La rentabilité, qui avait évolué de façon défavorable en 2001 en raison des conditions de marché, s'est redressée depuis 2002 grâce aux efforts de réduction des coûts et à la progression du volume local qui bénéficie de meilleures marges. La situation nette s'élève à 477 millions au 30 juin 2003.
III. - La société Cegetel est l'opérateur de téléphonie fixe du groupe Vivendi Universal. Dans la configuration actuelle de ce groupe, 80 % du capital de Cegetel est détenu par la société Cegetel Groupe qui contrôle également SFR. Cegetel Groupe est contrôlé par Vivendi Universal, Vodafone étant l'autre actionnaire.
Le groupe a annoncé en octobre 2003 une prochaine réorganisation à l'issue de laquelle SFR, qui fusionnera notamment avec Cegetel Groupe, deviendra la tête du pôle de télécommunications et sera directement détenu par Vivendi Universal (56 %) et par Vodafone (44 %). Cegetel sera alors une filiale de SFR.
Cegetel a été créé en 1997 pour développer une offre de services dans le domaine des télécommunications fixes en s'adressant aux particuliers (voix et accès internet) comme aux entreprises. Cegetel détient environ 9,3 % du marché grand public en France pour 2002 et a dépassé le niveau de 3 millions de clients. L'entreprise emploie plus de 900 salariés.
Au cours des trois derniers exercices, le chiffre d'affaires de Cegetel a connu une forte progression avec un triplement des minutes de téléphonie vendues. La marge brute a également progressé grâce à la forte hausse des volumes et malgré la pression sur les prix. Tout en étant encore déficitaire en 2002, l'excédent brut d'exploitation (EBITDA) se rapproche de l'équilibre et devrait devenir positif à partir de 2003. En 2000, Cegetel a bénéficié d'un abandon de créances important de la part de Cegetel Groupe assorti d'une clause de retour à meilleure fortune. Le résultat net a été fortement négatif en 2001 et en 2002 notamment du fait d'importants amortissements. Avant la recapitalisation prévue préalablement à la fusion, les capitaux propres sont négatifs de 321 millions d'euros au 30 juin 2003.
IV. - En juillet 2002, la SNCF a décidé de ne pas exercer l'option de vente qui lui avait été concédée par le groupe Cegetel jusqu'au 11 juillet 2002 et de poursuivre les discussions sur les éventuels rapprochements permettant de renforcer les synergies entre Télécom Développement et Cegetel. D'autres possibilités de rapprochement ont dans le même temps été explorées.
Les accords signés le 22 juillet 2003 entre la SNCF et Cegetel Groupe visent à organiser la fusion de Télécom Développement et de Cegetel. Le processus retenu est assez complexe pour des motifs présentés par les parties comme de nature juridique, comptable et fiscale. Il consiste de façon schématique :
- en l'apport à Télécom Développement par Cegetel Groupe de sa participation dans Cegetel (après recapitalisation de Cegetel par Cegetel Groupe et abandon de clause de retour à meilleure fortune) ;
- dans la cession contre numéraire par la SNCF de 15 % de cette nouvelle entité à Cegetel Groupe.
Les montants retenus pour les différentes phases sont basés sur des valeurs conventionnelles et non celles résultant de l'évaluation financière.
Au total, la SNCF détiendrait, une fois réalisée l'opération, 35 % de l'entité fusionnée ainsi que certains droits complémentaires dans sa gouvernance.
Les accords prévoient par ailleurs les conditions ultérieures de vente par la SNCF de sa participation de 35 % dans l'entité fusionnée. Il s'agit essentiellement de trois dispositions :
- d'une promesse d'achat consentie par Cegetel Groupe à la SNCF que cette dernière pourra exercer à tout moment mais en une seule fois entre le troisième et le sixième anniversaire de la réalisation de la fusion. La valeur de la société sera fixée alors à dire d'expert et le montant revenant à la SNCF est déterminé par une formule qui le fait varier en fonction de la valeur atteinte et qui attribue à la SNCF une part qui sera dans tous les cas supérieure au pourcentage de sa participation ;
- d'un droit d'exercice anticipé par la SNCF de cette promesse dans certains cas de changements de contrôle, assorti alors d'un prix minimum garanti voisin du prix d'exercice de l'option non exercée en 2002 ;
- d'une promesse de vente consentie par la SNCF à Cegetel Groupe que ce dernier pourra exercer à tout moment mais en une seule fois entre le sixième et le neuvième anniversaire de la réalisation de la fusion. Le prix est déterminé comme pour la promesse d'achat.
Enfin, les garanties usuelles sont données par les parties en fonction de leurs participations dans les sociétés fusionnées.
Les parties attendent essentiellement de la fusion des synergies résultant de la réduction des coûts opérationnels et du lancement d'offres ADSL supposant de lourds investissements. La SNCF ne s'engage pas à participer à leur financement. Une estimation de la valeur des synergies a été présentée à la commission.
V. - Conformément à la loi, la commission a disposé du rapport d'évaluation des parités de la fusion établi par un expert indépendant. Un rapport d'évaluation établi par la banque conseil de l'Etat lui a également été remis. L'estimation prend en compte l'existence de participations croisées du fait de la détention par Télécom Développement de 20 % de Cegetel.
Les rapports procèdent à l'estimation des deux sociétés selon trois méthodes :
- l'actualisation des flux nets disponibles de trésorerie qui est la méthode principale retenue ; le calcul se base sur des plans d'affaires établis conjointement par les deux sociétés et extrapolé par l'expert indépendant et par la banque conseil ; des taux d'actualisation différents ont été utilisés en fonction du niveau de risque des activités considérées ;
- l'application des multiples boursiers de sociétés cotées comparables a été retenue à titre de vérification : les rapports retiennent des échantillons d'opérateurs historiques et d'opérateurs alternatifs et se basent sur les multiples d'excédent brut d'exploitation (2003 ou 2005) ; peu de sociétés sont toutefois pleinement comparables à Télécom Développement (opérateur de réseau fixe sans clientèle directe) et à Cegetel (opérateur de clientèle sans réseau) et de plus les profils de rentabilité des opérateurs sont très dispersés ;
- l'application des multiples boursiers résultant de transactions comparables a également été retenue à titre de vérification : peu de transactions peuvent toutefois être utilisées en pratique pour déterminer des multiples du fait de la situation très déficitaire de la plupart des sociétés vendues.
Sur la base de ces évaluations, les rapports présentent une fourchette de valeurs des parités de fusion et ils concluent que l'opération est pertinente en termes patrimoniaux pour la SNCF.
VI. - La commission a tout d'abord procédé à l'examen de la régularité de la procédure de cession. Après s'être fait communiquer par la SNCF les documents nécessaires, elle a conclu que l'appel à candidatures ouvert qui avait présidé en 1997 au choix de Cegetel comme partenaire stratégique de Télécom Développement puis les contacts réalisés en 2002 avec divers opérateurs pouvant être intéressés permettent de justifier le choix de Cegetel dans la procédure de transfert.
S'agissant de l'évaluation des sociétés fusionnées, la commission a disposé d'estimations d'activités et de résultats qui reposent sur des hypothèses relativement optimistes compte tenu des incertitudes qui prévalent dans le secteur des télécommunications. Elle a noté que Télécom Développement et Cegetel ont présenté jusqu'à ce jour des profils de résultats significativement différents. Par l'opération de fusion, la SNCF perd la majorité dans Télécom Développement pour n'acquérir qu'une minorité de l'entité fusionnée.
Du fait de l'interdépendance des résultats des deux sociétés, la sensibilité de la parité de la fusion à des variations des hypothèses des plans d'affaires se trouve toutefois réduite, ce qui donne moins d'importance à la valeur absolue de ces hypothèses et à l'évaluation individuelle des deux sociétés qui en résulte et à laquelle la commission ne saurait totalement souscrire.
Ces incertitudes justifient que des précautions soient prises afin d'éviter qu'une évolution défavorable de l'entité fusionnée, dont la SNCF cède la gestion, ne puisse se traduire pour elle par une perte.
La commission a donc demandé que dans tous les cas de sortie, et pas seulement dans certaines hypothèses, la SNCF bénéficie d'un prix minimum garanti. Les parties en sont convenues et ont modifié dans ce sens leurs accords, en introduisant un minimum égal à la quote-part des fonds propres de Télécom Développement correspondant à la participation de la SNCF.
S'agissant des perspectives d'avenir, la commission a pris en compte les avantages qui s'ouvrent à l'entité fusionnée, alors que les deux sociétés qui la composent ont déjà une relation très étroite et que des investissements élevés seront nécessaires. Il apparaît que la réalisation de la fusion constitue un projet industriel répondant au contexte du marché.
De ce fait, elle est susceptible de mieux valoriser l'actif que détient la SNCF plutôt que le maintien de la situation actuelle qui ne serait pas elle-même sans incertitudes à court ou moyen terme.
VII. - Pour ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission émet un avis favorable au projet de décret dont le texte est annexé au présent avis et visant à autoriser le transfert au secteur privé par la SNCF de la propriété de la société Télécom Développement (1).
(1) Le décret est publié au Journal officiel de ce jour sous la rubrique Textes généraux.